Ceci est une évidence pour moi depuis plusieurs années déjà : le travail sur le savoir-être n’est PAS un moyen de compenser un manque de technique ou de connaissances scientifiques ; mais bel et bien LA CONDITION SINA QUE NON d’utiliser avec justesse sa technique et ses connaissances scientifiques.
Une des situations où je me fais régulièrement cette remarque, c’est lorsque je suis jury pour des examens théoriques.
Depuis les exams de fin d’année dernière, ça me tenait à cœur de faire un post sur :
COMMENT « REUSSIR SES EXAMENS » AVEC UN JURY, QUEL QUE SOIT LE RESULTAT SUR LE PAPIER, GRACE A UNE POSTURE D’OUVERTURE (Oui, réussir, même si vous êtes recalés.)
Pour beaucoup, l’examen rime avec le stress de ne pas réussir, d’être jugé ; on prend les questions du jury personnellement comme s’il était en train de nous démonter pièce par pièce avant de nous mettre en vitrine dans la boucherie des échecs, …
Dans ces cas-là, nous sommes en posture de « fermeture » et non « d’ouverture ».
Que peut percevoir le jury à ce moment-là ? Que nous avons appris par cœur pour nous débarrasser le plus vite possible de cette corvée et qu’on s’en fout du sujet.
Quand je suis en posture de jury, si jamais l’examen n’est pas validé, j’invite le candidat à adopter une posture d’ouverture : si vous avez choisi ce diplôme, si vous avez choisi de faire ce métier-passion, c’est bien que vous êtes passionné par le sujet, non ? Alors, une fois que l’on a cicatrisé les blessures de l’égo post « ratage d’examen », on se rend compte que c’est plutôt génial en fait, d’avoir tout ce temps pour ouvrir les livres, apprendre à nouveau, on en oublierait presque que c’est pour repasser l’examen. Et la clé est là : mon idéal, ce serait que chacun puisse se préparer à un examen non pas pour le valider, mais simplement parce qu’il est passionné. Et qu’il le fasse dans le plaisir. Si jamais il n’est pas prêt le jour J, alors TANT MIEUX s’il ne l’a pas, car il pourra à loisir apprendre à nouveau sur ce sujet qui le passionne. L’examen est parfois le petit objectif qui va appuyer sur l’interrupteur motivationnel servant à ouvrir un livre ou un doc PDF, et prendre ce temps pour lire et apprendre.
Si vous n’aimez pas le sujet de votre examen, si vous n’aimez pas apprendre, si vous n’aimez pas chercher, si vous n’aimez pas vous documenter, … Alors pourquoi passez-vous cet examen ? Ceux qui s’épanouissent (et donc réussissent) dans leur métier apprennent toute leur vie pour s’améliorer. Si vous n'avez pas choisi ce métier par passion, vous pouvez aussi puiser avec conviction dans vos réelles motivations pour générer une posture d'ouverture.
Par ailleurs, on peut voir l’entretien avec le jury non pas comme un test, mais comme un débat d’ouverture au cours duquel le candidat va avoir quelques minutes privilégiées avec des professionnels pour pouvoir, peut-être, apprendre encore ! Ce sera l’occasion de soulever des nouvelles interrogations, et donc de finir l’examen sur… Un ressenti d’ouverture, et non de fermeture. Essayez de réfléchir à leurs questions comme si c’était des élèves qui vous les posaient. Cherchez, faites des hypothèses à partir de ce que vous savez, mais exprimez également vos doutes ou vos limites ! Soyez honnête. Pour cela, vous devez vous légitimez dans votre droit d’être en apprentissage, d’être imparfaits, de ne pas tout savoir, et de partager quand même tout ce que vous savez ! En tant qu’enseignante, il m’arrive parfois de « sécher », de répondre « je ne sais pas » à une question… Mais cela me booste pour chercher, et parfois nous cherchons ensemble avec mes élèves ! La posture d’enseignant n’est pas seulement une posture d’expert technique, elle va bien plus loin que cela.
Ça n’a jamais été un drame de ne pas savoir, de ne pas avoir eu le temps d’apprendre, d’avoir d’autres priorités. Ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas aller à l’examen. On peut aussi aller à l’examen avec cette honnêteté envers soi-même : « bon, je n’ai pas pu acquérir les connaissances que je voulais pour passer cet examen. Mais ce sera l’occasion d’apprendre des choses et de m’entraîner à ne pas m’attacher au résultat, à lâcher-prise. Ce sera bon pour mon bien-être, et ça me permettra d’être plus performant. » Et en ce qui concerne le lâcher-prise, nous avons besoin de beaucoup d’entraînement pour certains… !
Les jurys sont des enseignants. Souvent, je me retrouve à ré-expliquer pour la millième fois à des enfants de 5 ans que la chevelure du poney s’appelle « la crinière ». Et ce n’est pas un fardeau. C’est un choix. C’est aussi mon choix d’être face à des étudiants qui n’ont peut-être pas encore compris les théories de l’apprentissage le jour de l’examen et de leur expliquer simplement. Ce n’est pas un fardeau, et le candidat en question n’est pas « un boulet ». Donc n’ayez aucune culpabilité ou honte à arriver le jour d’un examen et de ne pas savoir. Quelles que soient les raisons pour lesquelles vous ne savez pas, vos raisons sont légitimes parce que ce sont les vôtres.
Mais ça ne veut pas dire que votre envie d’apprendre, votre passion ou votre ouverture d’esprit ne sont pas là.
Simplement, elles sont peut-être bien planquées sous les couches de : peur d’être jugé et de ne pas être reconnu tel que vous êtes, peur d’être exclu, peur de perdre de l’argent, peur de vous retrouver sans diplôme, de ne pas pouvoir exercer, … Ces peurs sont parfois inconscientes, on les regroupe sous l’appellation de « stress ». Et en cas de stress, voici ce que le corps reçoit : on est en danger, on risque de mourir, notre survie est menacée.
Quand on est dans ce mode « survie », il est très difficile d’apprendre, d’être dans l’ouverture, d’être dans la joie, tout simplement parce que le corps reçoit l’information qu’il faut se mettre à l’abri rapidement, ou combattre pour la survie : la fuite ou le combat. Il n’est pas disponible pour autre chose. (Vous pouvez aussi être simplement en grosse fatigue mentale et physique). « L’immobilité catatonique », le stress qui paralyse, est aussi une possibilité. Et en général, quand vous êtes en mode « je vais combattre ou je veux fuir ou je suis paralysé », l’entretien avec le jury se transforme en véritable cauchemar ! On retombe sur un de mes sujets favoris : la cohérence. Car, à ce moment précis, vous êtes dans une posture d’incohérence : votre organisme veut fuir mais vous le forcer à subir la situation. Votre corps veut combattre mais vous restez poli envers le jury (ou pas lol). Vous aimez ces connaissances et ces sujets, mais là tout de suite, c’est une menace pour votre survie. Etc.
Dans notre inconscient, un individu qui ne sait pas prendre une décision et faire un choix peut mettre en danger tout le groupe. Cela s’exprime dans nos 70% de langage non verbal. Le jury peut réagir à votre incohérence par de l’attaque, ou du détachement (fuite), sauf s’il est consciemment sensible à ce qui est en train de se passer. Il peut aussi être à son tour incohérent (rester poli par exemple) et en général, il y a un certain malaise qui s’installe. Mais la situation peut aussi changer en rétablissant simplement la cohérence, en verbalisant comment vous vous sentez auprès du jury : quelle est la peur en jeu, pourquoi cela vous stress, etc. Succinctement, et hop, on enchaîne. En général, ça se passe beaucoup mieux. Mais ça demande d’être capable d’effectuer cette lecture de soi, qui demande plusieurs années de travail. Alors à quand une matière « savoir-être » dans les formations professionnelles ?
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